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Les différences sexuelles du cerveau, par Patrick Lambert

 

Comme le décrit Margaret Mc CARTHY, de l’Université de médecine du Maryland à Baltimore (USA), les différences sexuelles du cerveau sont nombreuses, structurellement et fonctionnellement. Ces différences peuvent expliquer les particularités sexuelles psychologiques et psychiatriques. Les études épidémiologiques permettent de faire le constat que la masculinisation du cerveau réduit sa vulnérabilité aux troubles du comportement alimentaire et aux troubles de l’humeur, mais aggrave sa fragilité face aux risques d’autisme, de déficit de l’attention avec hyperactivité, et surtout, accélère et accentue les phénomènes psychotiques.

Dans cet article, nous allons tenter de comprendre ce qu’est la virilisation d’un système nerveux central. Ontogénétiquement, avant d’être mâle, l’individu passe par le stade femelle. Autrement dit, le destin du tissu neurologique est celui de cerveau féminin, et sa virilisation n’est que secondaire et optionnelle. Paradoxalement, le cerveau de la femme n’est pas le mieux connu, car les recherches en neurosciences sont cinq fois plus nombreuses sur des populations mâles que sur des populations mixtes ou femelles, séquelles probables d’une phallocratie scientifique.

La virilisation dépend de la présence dans le caryotype d’un chromosome Y à la place du deuxième chromosome X. Cette substitution rend les chromosomes sexuels du mâle hétérogènes, alors que tous les autres chromosomes sont présents par paires homogènes. Ce chromosome Y est porteur du gène Sry, qui code pour un facteur de transcription transformant la gonade en testicule à la 7e semaine de gestation. Les testicules sécrètent de la testostérone en grande quantité au stade fœtal, avec un pic aux 14e et 15e semaines, qui provoque la différenciation des organes génitaux, ou caractères sexuels primaires : le clitoris devient pénis, les lèvres vulvaires se soudent en un scrotum unique, les glandes de Skene laissent place à la prostate. Cette métamorphose s’accomplie grâce à un récepteur tissulaire aux androgènes, codé par le bras long du chromosome X, ou Xq. La deuxième vague de testostérone, du 3e au 12e mois de vie extra-utérine, modifie le corps, avec des jambes plus longues, des mains et des pieds plus larges, des dents plus grandes ; c’est la mini-puberté. La puberté mâle des 11-12 ans correspond à la troisième vague de testostérone, qui déclenche l’apparition de caractères sexuels secondaires, comme l’hirsutisme et spermatogénèse. Sans le gène Sry, la testostérone n’est produite significativement que par les glandes surrénales, qui assurent, entre autre, la libido.

La masculinisation du cerveau débute également à l’âge fœtal. Il s’agit d’un phénomène épigénétique. La part d’ADN virilisante est maintenue silencieuse grâce à la méthylation chromosomique. La méthylation est un processus biologique naturel qui empêche les gènes méthylés de s’exprimer. Ce phénomène permet de protéger le matériel génétique non utilisé des altérations ou mutations. La testostérone lève ce verrou génétique. Les gènes ainsi libérés ont vocation à stimuler les systèmes immunitaires du cerveau et du tissu conjonctif, avec comme cellules cibles, respectivement les cellules gliales du système nerveux central, et les mastocytes du tissu conjonctif. L’intérêt des mastocytes en grand nombre est de cicatriser plus rapidement les plaies charnelles, plus fréquentes chez les mâles. Au niveau cérébral, les cellules micro-gliales favorisent la prolifération des synapses, la multiplication des dendrites et l’allongement des axones, ce qui développent les connexions longues, comme les connexions inter-hémisphériques. Le nombre de neurones ne se trouve pas augmenté ; c’est la quantité de myéline, nécessaire pour former les manchons péri-axonaux, qui est plus importante, ce qui accroit le volume de la substance blanche, et en conséquence le poids du cerveau mâle.

Certaines aires cérébrales sont particulièrement touchées par ces métamorphoses. Par exemple, l’aire pré-optique, qui tire son nom de la proximité de cette partie de l’hypothalamus avec les nerfs olfactifs et optiques. Sous l’effet de la prostaglandine E2 (PGE2), sécrétée par la microglie activée, l’aire pré-optique voit en son sein un doublement de la densité des synapses, ce qui se traduit par un comportement copulatoire de type masculin. Cette partie antérieure de l’hypothalamus intègre les stimuli sexuels, et sa richesse synaptique en augmente la sensibilité, ce qui accroit la motivation sexuelle corporelle chez le mâle.

L’augmentation de l’activité micro-gliale ne va pas toujours dans le sens d’un développement cellulaire. Par exemple, au niveau amygdalien, elle favorise la production d’endocannabinoïdes, qui limitent la formation de nouveaux neurones et astrocytes. Les endocannabinoÏdes sont des lipides endogènes ayant la faculté d’inhiber la neurotransmission. Les amygdales cérébrales font partie du système limbique, situées aux extrémités des hippocampes, dans les couches profondes des lobes temporaux. Ces amygdales régulent, chez les adolescents, le comportement social. La faible densité cellulaire dans cette aire, survenue au stade fœtal, va provoquer, des années plus tard, un comportement ludique archaïque, fait de rudesse, avec tendance au passage à l’acte physique, qui rend les mâles prompts à la bagarre, probablement dans une perspective de lutte face à la concurrence copulatoire.

Cette méthylation de l’ADN virilisant, qui permet de maintenir la féminisation du cerveau, est réversible. Cette plasticité cérébrale est telle que le système nerveux central reste sensible toute la vie, structurellement et fonctionnellement, aux modifications épigénétiques, et donc hormonales, même s’il est vrai que pour le cerveau, il existe une période de particulière importance, la période fœtale, avec des conséquences comportementales qui ne seront perceptibles qu’à partir de l’adolescence, et des conséquences en termes de fragilité psychiatrique qu’à l’âge adulte.

Patrick Lambert

Psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Nantes, diplômé en médecine légale, responsable du Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel du secteur 1 de l’agglomération nantaise, psychothérapeute fondateur de la psychagogie scotocentrée, auteur de “L’analyse psychagogique des rêves”, éditions Fabert.

Directeur et formateur E3PI en Psychopathologie et Analyse psychagogique des rêves.

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