

Du nouveau dans la connexion intestin-cerveau, par Patrick Lambert
Patrick Lambert explore les récentes découvertes scientifiques qui mettent en lumière l’importance de la communication entre notre intestin et notre cerveau. Cette relation complexe, longtemps négligée, révèle des liens étroits entre notre système digestif et notre bien-être mental.
Une équipe de l’école de médecine d’Harvard a montré récemment chez la souris qu’un régime enrichi en protéines rend l’animal plus difficile à réveiller dans son sommeil post prandial. Des peptides sont sécrétés par les cellules intestinales qui émettent des signaux reçus par les neurones dopaminergiques du cerveau, élevant ainsi le seuil d’éveil.
Une autre étude de l’université de Wuhan, Chine, décrit dans le journal Cell Metabolism du 01/03/2023 une corrélation entre la richesse d’un microbiote en Klebsiella aerogenes, qui est un bacille Gram, et la dégradation de l’oestradiol, hormone féminine dont la baisse favorise les troubles de l’humeur. Or cette même bactérie était connue pour dégrader la testostérone, hormone mâle dont la baisse produit des effets similaires chez la souris mâle. La Klebsiella serait donc responsable de certaines dépressions hormono-dépendantes.
Cette fois, c’est une étude parue dans Nature le 14/12/2022 qui montre que la qualité du microbiote est indispensable, chez la souris, pour la motiver à poursuivre un effort physique. L’intestin est une jungle riche en microorganismes qui digèrent la nourriture, mais pas seulement ; les bactéries intestinales stimulent la production de dopamine pendant l’activité physique. C’est ce que vient de découvrir une équipe de scientifique de l’université de Pennsylvanie.
Nous savions que le sport nous protège des maladies ; mais réussir à se mettre à l’entraînement sportif dépend de notre état mental. Or l’état mental dépend de la bonne santé du microbiote. Pour le prouver, les expérimentateurs ont utilisé des antibiotiques, car ces médicaments sont en mesure d’altérer le microbiote. Les souris de l’étude qui ont été mises sous antibiotiques se fatiguent plus rapidement sur le tapis de course qui leur est proposé. Elles passent également moins de temps dans la roue qui équipe leur cage. Il existe donc bien une relation entre richesse du microbiote et motivation à l’activité physique.
Le neuromédiateur en question est la dopamine. Sa production dans la substance noire est stimulée par l’intermédiaire des récepteurs nerveux gastro-intestinaux qui sont sensibles à certains métabolites issus du microbiote. Celui-ci est à l’origine de la montée brutale de dopamine du sportif en plein effort. La dopamine produite agit sur le striatum, structure cérébrale profonde qui contrôle la motricité. C’est ce circuit qui est altéré dans la maladie de Parkinson, donnant les troubles moteurs qui font la spécificité de l’affection.
Alors, pour ces jeux olympiques qui se profilent, la récolte de médailles dépendra sans doute de la culture microbiotique dans les intestins de nos représentants.
Patrick Lambert
Psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Nantes, diplômé en médecine légale, responsable du Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel du secteur 1 de l’agglomération nantaise, psychothérapeute fondateur de la psychagogie scotocentrée, auteur de “L’analyse psychagogique des rêves”, éditions Fabert.
Directeur et formateur E3PI en Psychopathologie et Analyse psychagogique des rêves.
