Antigènes d’origine alimentaire et troubles psychiatriques
Les liens entre certains antigènes alimentaires et l’apparition de psychopathologies suscitent de plus en plus d’intérêt dans le domaine de la recherche en psychiatrie. Des protéines comme le gluten et la caséine, souvent consommées dans l’alimentation courante, sont soupçonnées de contribuer à des réponses inflammatoires de l’intestin, lesquelles pourraient influencer le fonctionnement cérébral en affectant les récepteurs du système nerveux central.
Certains antigènes alimentaires contribuent à l’apparition de psychopathologies, comme a pu le montrer L. RUDZKI dans un article de mai 2018 du journal Frontiers in Psychiatry, « Immune gate » of psychopathology. Par exemple le gluten, qui est une protéine contenue dans les graines de diverses herbacées, contient des composants de deux sortes : la fraction soluble, appelée gliadine, et la fraction insoluble, la gluténine. La caséine et la protéine du petit lait sont aussi sources d’antigènes. Ces derniers viennent du lait d’origine bovine. Certaines protéines du lait et le gluten, en outre, contiennent des exorphines, qui sont des peptides ayant une activité morphinique. Ces exorphines stimulent la réponse immune cellulaire, libérant des cytokines pro-inflammatoires, et déclenchent des maladies auto-immunes. La réponse inflammatoire intestinale influence la fonction cérébrale en s’attaquant aux récepteurs opioïdes du système nerveux central. Ainsi des taux élevés de peptides stimulant ces récepteurs ont été retrouvés dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) de patients présentant une psychose du post-partum, des troubles schizo-affectifs ou une schizophrénie.
L’inflammation intestinale : facteur de risque pour la schizophrénie
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune caractérisée par sa sensibilité au gluten. Les études épidémiologiques montrent une corrélation entre la schizophrénie, la maladie cœliaque et la présence d’anticorps contre la gliadine (x7), une lactoglobuline (la béta) et la caséine. La concentration d’anticorps contre la béta-caséine est proportionnelle au score de symptômes négatifs (échelle PANSS : Positive And Negative Syndrome Scale). En outre, la consommation de gluten provoque une sensibilité extra-digestive à cette protéine, à l’origine du colon irritable, de la fatigue chronique, de maux de tête, de douleurs tendineuses, d’engourdissement mains et pieds, d’érythèmes, de crampes musculaires, de dépression et de TDAH.
La maladie de Crohn, colite ulcéreuse, est caractérisée par un taux élevé d’anticorps contre le Saccharomyces cerevisiae, ASCA IgG. Cet anticorps est significativement élevé chez les patients ayant une schizophrénie, avec chez ces mêmes patients, une augmentation d’anticorps contre le gluten et la caséine.
Toxoplasmose, anticorps IgG, et troubles neuropsychologiques
Lors de l’émergence d’une schizophrénie, il est retrouvé plus fréquemment que dans la population témoin un taux élevé d’anticorps IgG contre le Toxoplasma gondii, vecteur de toxoplasmose, maladie parasitaire transmise par les chats et autres félidés. Le toxoplasme augmente la perméabilité de la barrière intestinale, ce qui favorise l’absorption des antigènes alimentaires (contre la caséine et le gluten). Cette inflammation réactionnelle génère des anticorps contre les récepteurs NMDA cérébraux (récepteurs à glutamate). De plus, le système immunitaire du complément, complexe protéinique permettant la reconnaissance et la lyse des antigènes, est activé par le T. gondii, dans cette tentative du cerveau de se débarrasser du parasite. La corrélation entre ce phénomène et l’émergence de la schizophrénie et de l’autisme est probablement due aux dommages collatéraux sur les neurones et synapses voisins des toxoplasmes éliminés. En effet, le système du complément, d’origine microgliale, permet le développement de synapses, mais aussi son élagage. L’association entre activation du complément (C1q) et psychose émergente est telle que l’élévation du premier a été proposée comme biomarqueur du diagnostic précoce de la schizophrénie.
Dans le trouble bipolaire, il existe une élévation sérique d’IgG anti-gliadine et d’ASCA IgG, paramètres de l’inflammation gastro-intestinale. ASCA en particulier est corrélé à la présence d’IgG à T. gondii, chez les patients présentant une complication psychotique d’un trouble bipolaire. La durée des épisodes dépressifs est en corrélation positive avec le taux d’anticorps IgG à certains antigènes alimentaires. Le taux de tentative de suicide du dernier mois écoulé est proportionnel au taux d’IgA anti-ASCA, d’IgG anti-gliadine et d’IgM anti-T. gondii.
Perméabilité intestinale et autisme
Les troubles du spectre autistique (TSA) ont la particularité d’avoir de nombreuses comorbidités : constipation, diarrhée, reflux, œsophagite, gastrite, duodénite, entérocolite, hyperplasie lymphoïde nodulaire. Cela reflète l’importante perméabilité intestinale qui permet de retrouver un taux élevé d’anticorps contre la caséine chez les enfants présentant un autisme. La raison en est le dysfonctionnement des jonctions serrées intercellulaires de l’épithélium intestinal et l’inflammation de la barrière hémato-encéphalique, altérations qui permettent aux antigènes de contaminer le LCR.
Cet article illustre une origine méconnue aux psychopathologies, et ouvre une nouvelle voie à la prévention et aux traitements de ces maladies.
Patrick Lambert
Praticien hospitalier Honoraire, psychiatre fondateur de la psychagogie scotocentrée, président d’E3PI, auteur de Analyse psychagogique des rêves : l’inconscient revisité et scotocentré.
Directeur et formateur E3PI en Psychopathologie, Analyse psychagogique des rêves, et Psychologie complexe selon Jung.