

L’amour, par Patrick Lambert
D’une certaine manière, il est possible de dire que l’amour, éprouvé grâce à un cocktail de neurotransmetteurs, n’est qu’une corruption biologique. En effet, cette chimie du cerveau motive, récompense et entretient la coopération avec les amis, la famille, les amants et la communauté.
Le sentiment d’amour, ou d’attachement, procure chaleur, contentement et euphorie propices à rechercher de nouvelles sensations avec l’autre, à investir dans un engagement à long terme, afin de ressentir cette illusion d’éternité de la coopération avec autrui, coopération essentielle à la survie.
La joie d’être avec l’autre ouvre à la joie de rencontrer une nouvelle version de soi, ce qui alimente l’amour propre. Dans cet environnement à couteaux tirés, la coopération fait souvent la différence entre la vie et la mort. Dans les pays occidentaux, il est vrai que la coopération est moins une question de survie que de plaisir et de sentiment d’appartenance à un groupe. Une étude menée en 2010 par une équipe de psychologues (Julianne Holt-Lunstad et coll.) avait étudié la relation entre le taux de mortalité suite à un cancer, une maladie cardio-vasculaire ou une insuffisance rénale avec la qualité du réseau social d’un individu. La taille, l’accessibilité perçue et le degré d’intégration au réseau étaient en corrélation inverse avec le taux de mortalité. La bonne qualité du réseau réduit en effet ce taux de 50 %. Ce bénéfice est comparable à celui de l’arrêt du tabac ou de la prévention de l’obésité.
Une méta-analyse réalisée à Harvard en 2019 (Justin Rodgers) sur des articles scientifiques parus dans les dix années précédentes, a mis en évidence une relation significative entre la qualité du réseau social et la bonne santé. Les caractéristiques retenus du réseau étaient sa taille et sa cohésion, le niveau de réciprocité ou de participation en son sein, le niveau de confiance, et le niveau de sentiment d’appartenance par la participation bénévole. Les critères sanitaires étaient les suivants : mortalité et espérance de vie, taux de décès par maladie cardio-vasculaires, cancers et diabètes, le risque d’obésité, la perception de son propre état de santé, le fonctionnement cognitif, le souci de prévention du sida, d’hygiène mentale et l’incidence du handicap. L’explication donnée à cette relation est multifactorielle. Le réseau est source de moyens financiers, de recours aux soins, d’informations sanitaires, de bonne humeur, de réduction de l’impact du stress sur le fonctionnement du corps, d’amélioration des performances physiques et mentales. Les neuromédiateurs libérés lors des interactions sociales améliorent le fonctionnement biologique, en particulier du système immunitaire. Le fonctionnement des cellules tueuses pour éliminer les agents pathogènes est amélioré.
En résumé nous avons besoin les uns des autres, et l’amour est la force qui permet au groupe de surmonter les difficultés. La coopération à grande échelle est la particularité de l’homo sapiens, et a fait son succès. Au-delà de l’eau, de la nourriture et de l’abri, l’amour, et plus généralement la relation affective dans toutes ses dimensions, est indispensable à la bonne santé et à la survie de l’espèce.
Patrick Lambert
Psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Nantes, diplômé en médecine légale, responsable du Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel du secteur 1 de l’agglomération nantaise, psychothérapeute fondateur de la psychagogie scotocentrée, auteur de “L’analyse psychagogique des rêves”, éditions Fabert.
Directeur et formateur E3PI en Psychopathologie et Analyse psychagogique des rêves.
