Alimentation et pronostic neurodéveloppemental du prématuré, par Patrick Lambert
La diversité du microbiote est une qualité. Les bébés nés à terme, nourris au sein, ont pourtant une faible diversité de leur flore intestinale. Leur bonne santé est due à sa richesse en bifidobacterium, cette bactérie qui provient de la mère et aide à digérer les sucres complexes de son lait.
Les bébés prématurés sont dans une toute autre situation. Leur microbiote n’a que peu de ressemblance avec celui des bébés nés à terme, probablement du fait de l’utilisation en néonatalogie d’antibiotiques, de la séparation mère-enfant inhérente au mode d’hospitalisation, et du retard de la mise au sein. Chez eux, être équipé d’une plus grande diversité bactérienne est la garantie d’une croissance plus rapide, et surtout d’un développement neurologique à long terme meilleur.
En hospitalisation, les prématurés reçoivent, en complément du lait maternel ou de donneuses en lactarium, une version plus concentrée de lait à formule adaptée que celle donnée aux nourrissons nés à terme. Initialement étaient utilisés, comme additif, des fortifiants lactés dérivés du lait de vache ; puis sont apparus les fortifiants dérivés du lait maternisé. Deux études récentes permettent d’en savoir plus sur l’alimentation optimale des prématurés.
Meghan AZAD, de l’Université du Manitoba, a comparé les effets de ces deux types de fortifiants, bovins et humains. Le résultat de cette première étude comparative est étonnant ; elle a montré que, quel que soit les fortifiants utilisés, de première ou de seconde génération, la diversité du microbiote dans les selles de l’enfant, après environ 25 jours d’alimentation, était similaire.
La seconde étude, parue dans la revue Cell Reports Medicine, ne l’est pas moins. Elle portait sur 120 très petit poids de naissance, et comparait ces deux types de fortifiants, mais cette fois après une cinquantaine de jours d’alimentation. Elle montre une meilleure diversité du microbiote avec les fortifiants dérivés du lait bovin, mais pour une toute autre raison. Les dérivés humains sont donnés sous forme liquide, ce qui réduit la part en volume du lait maternel, et le dilue, phénomène qui ne se produit pas avec les dérivés bovins qui sont sous forme de poudre. Pour confirmer cette explication, il fut comparé les effets de l’administration de lait de lactarium, et ceux du lait de la mère de l’enfant. De façon significative ce dernier permettait une meilleure prise de poids. L’analyse comparée du lait de mère ayant accouché prématurément et de mère ayant accouché à terme a montré une plus haute concentration du facteur de croissance dans le premier lait, expliquant l’effet bénéfique.
En résumé trois pistes se font jour pour l’alimentation du prématuré :
- Les fortifiants du lait maternisé ne sont pas plus avantageux que ceux du lait de vache pour le pronostic métabolique, immunologique et neurodéveloppemental ;
- La bonne santé du bébé dépend de la part volumique non dilué du lait de sa propre mère;
- Enfin, et c’est ce qui est le plus remarquable, la composition du lait de la mère est modulée par les besoins de son enfant, lait qui à son tour module le microbiote du bébé, propriété que n’a pas le lait de donneuses, et ceci pour le plus grand bien du devenir de son cerveau.
Patrick Lambert
Psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Nantes, diplômé en médecine légale, responsable du Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel du secteur 1 de l’agglomération nantaise, psychothérapeute fondateur de la psychagogie scotocentrée, auteur de “L’analyse psychagogique des rêves”, éditions Fabert.
Directeur et formateur E3PI en Psychopathologie et Analyse psychagogique des rêves.